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La Microferme: Nouvelle Révolution Agricole

« Nous ne parlons pas de nourrir la planète, mais de nourrir la communauté » (Jean-Martin Fortier)

The Book of Market Gardening - R. Lewis Castle (1906)
The Book of Market Gardening – R. Lewis Castle (1906)

La renaissance du jardinier-maraîcher biologique

Jean-Martin Fortier est le nouveau leader québecois du changement, de la ‘révolution agricole tranquille’ qui prend sa place en révélant l’importance et l’urgence d’une agriculture de proximité, du maraîchage sur petite surface, de microfermes,  et de l’achat de produits frais, bios et locaux.   Il est même devenu une influence internationale sur le sujet, car ce mouvement prend de l’expansion non seulement au Canada, mais dans plusieurs pays.

Il nous parle d’un mode de vie alternatif, d’une méthode et d’une vision d’agriculture alternative, de fermiers de famille, de paniers bio, de marchés-fermiers, de la possibilité et de la rentabilité de faire de l’agriculture biointensive sur petite surface avec un investissement raisonnable.

Avec l’idée et le support d’André Desmarais, il accepte le défi en tant que chargé de projet à la Ferme des Quatres Temps, une ferme expérimentale qui continue à peaufiner les techniques de l’agriculture biointensive sur petite surface dévelopées par Jean-Martin.  Le but est d’approfondir les connaissances dans ce domaine pour, dans un sens, prouver que c’est un mode d’agriculture viable et faisable et pour former une dizaine de futurs fermiers par année en stage sur la ferme pour qu’ils puissent eux aussi appliquer ces méthodes sur leur propre ferme pour le bien être de tous – pour le sol, les bibittes, les pollenisateurs, les animaux, les humains, bref, pour le plus grand bien de la planète.  On ne peut que se réjouir d’un tel compagnonnage créatif!

Enfin de l’espoir tangible pour les jeunes de la relève agricole qui ont envie de prendre un nouveau tournant pour devenir jardiniers-maraîchers avec les mains dans la terre plutôt que de n’avoir autre choix que de s’enligner en tant qu’agriculteurs-opérateurs de machineries et de logiciels d’automatisation pour les grandes cultures et les élevages industriels.  La microferme pourrait devenir atteignable pour ces jeunes entrepreneurs.

Le ‘porte-parole officiel’ de la culture maraîchère biologique sur petite surface, et notre exemple-à-suivre sur notre microferme, Jean-Martin Fortier​ était invité dimanche le 25 mars 2018 à l’émission Tout Le Monde En Parle sur les ondes de Radio-Canada.  

La dévolution agricole

La révolution agricole n’est pas ce qu’on nous impose depuis les décénnies à la télé, à la COOP, à l’UPA, à la Financière Agricole du Québec et même chez le comptable:  des champs dépourvus  de brise-vents et de vie dans le sol à perte de vue pour des kilomètres, des machineries agricoles industrielles de la grosseur (et au prix) d’une maison de luxe, des fermes industrielles aux légumes boostés et encadrées (i.e. contrôlées) par les multinationales de produits chimiques qui vantent leurs bienfaits malgré les dommages réels, aux animaux-esclaves qui produisent des quantités anormales de lait, d’oeufs, de rejetons, de viande…

Des fermes qui valent des millions, endettées pour des millions, subentionnées par l’état, pour exporter à l’étranger d’une main molle et importer de l’autre encore plus molle – C’est à dire, on exporte nos produits, nos ressources dans le but de « faire des transactions internationales » et non dans le but de protéger notre patrimoine.  On importe des produits (aliments frais et transformés) qui ont été traités avec des pesticides et ingrédients interdits ici, causant une concurence déloyale et un grand préjudice à nos fermiers et artisans (entre autres). 

Des fermes de moins en moins accessibles à la relève, mais plutôt des fermes qui deviennent déshumanisées au profit des gros investisseurs qui aiment agglomérer et engloutir tous les petits fermiers d’une région, en éradiquant de la mappe des générations de fermes familiales au dépend d’une mégaferme et de la méga production qui peut quasiment (et probablement) se retrouver à la bourse.   C’est ça la dévolution agricole à mon avis.

  • « Ton projet n’est pas assez gros, tu ne réussiras jamais » nous conseille un comptable agricole lorsque nous voulions démarrer notre microferme.
  • « On ne vous donne pas de renseignements, car vous achetez pour moins de $5000 par annnée » nous a déjà dit la COOP locale lorsqu’on avait besoin d’aide pour trouver et calculer des engrais bio (qu’ils n’offrent peu ou pas, d’ailleurs).
  • « Nous ne vendons pas au gentleman-farmer, seulement pour les grandes cultures » de dire un fournisseur de semences d’engrais vert non-traité…
  • « Nous n’avons pas de format pour vous, le plus petit que nous avons est pour 10 hectares », un fournisseur d’engrais naturels.

    Des irréductibles de la réforme grégaire en espagne (1955)
    Des irréductibles de la réforme grégaire en espagne (1955)

Pas facile dans notre coin de province de trouver un fournisseur d’engrais et de semences bio pour notre microferme et notre microproduction quand nous sommes entouré d’agriculture conventionnelle industrielle – on se croirait à Fermont – mais non, nous sommes dans une des meilleures régions agricoles du Québec, ainsi nommé Les Jardins du Québec!  Nous n’arrivons même pas à trouver un agronome spécialisé en agriculture biologique dans notre région.

Voici un spécimen de légume cultivé pour la production industrielle – tsé ceux qu’on donne à nos ainés en CHSLD, à nos patients et mamans/enfants dans les hôpitaux, ceux qui se retrouvent dans les mets préparés, etc.  Ça me fait penser aux fraises de la Californie, entre autres.  Je ne dis pas que c’est poison, mais c’est un peu dénaturé, o-g-m-isé, boosté peut-être? C’est un cultivar monstre! Assez impressionnant quand même, surtout qu’on en voit seulement qu’un petit bout:

Carotte industrielle trouvée sur notre rang à l'automne (Photo: jpapino 2016)
Carotte industrielle trouvée sur notre rang à l’automne (Photo: jpapino 2016)

L’agriculture bio-industrielle

En production biointensive sur petite surface on parle d’agriculture biologique, de vente directe, de marché fermier, du fait-à-l’huile-de-bras.

Par contre, sur les étals de l’épicerie on retrouve de plus en plus de produits bio, mais rare sont les produits qui proviennent de cette agriculture locale à échelle humaine, i.e. non-industrialisée.  Car depuis l’engouement pour les produits biologiques, il n’est pas surprenant que l’Agri-Business et Big Pharma se sont mis à la tâche pour inonder le marché de ces pseudos produits bio et profiter du terme « biologique » au dépends de tout ce que représente l’agriculture biologique dans son ensemble.

Fertlisants et pesticides borderline bio, les normes biologiques douteuses dans d’autres pays, la culture intensive industrielle, les parcs de serres et les tonnes de déchets en plastique non-recyclable, le transport international et transcontinental par avion et par camion – bref, la continuité de la technique et de la mentalité provenant de l’industrie agricole conventionnelle, mais avec la dénomination « biologique », quelques produits néfastes en moins.  Mieux, mais peu – au moins les pesticides très nocifs sont éliminés (mais remplacés par d’autres produits approuvé bio).

Justement, avez-vous vu l’émission La Semaine Verte du samedi le 24 mars 2018 sur les ondes de Radio-Canada intitulé Le Nouveau Visage du Bio?  La Semaine Verte offre toujours de bons reportages-documentaires sur l’agriculture.

La Semaine Verte - Le nouveau visage du bio
Le nouveau visage du bio – Image de Radio-Canada

Notre virage écololgique-biologique

Dès que nous avons emménagé ici en 2000, nous avions instinctivement un penchant écologique sur notre terre, sans rien connaître au début.  On essayait juste de laisser aller la nature, la laisser reprendre son cours, se soigner – elle qui avait déjà été cultivée conventionnellement plus de 15 ans auparavant, laissée en friche avec multitude de mauvaises herbes envahissantes depuis.  Nous avons donc laissé les arbres reprendre un peu de terrain et c’est ce qui a formé l’organisation de nos jardins 8 ans plus tard, un peu mal organisés, malgré nous, car on ne voulait pas couper ces arbres.  On voulait reboiser ces 80 000pi² en terre noire organique!  On avait aucune idée qu’un jour nous serions piqués par la bibitte du jardinage et l’idée de démarrer une entreprise axée sur l’agriculture.

Mes premières lectures en agriculture provenaient de l’auteur Yves Gagnon des Semences du Portage.  Sans aucun doute, Yves Gagnon est un pionnier dans le mouvement de l’agriculture biologique au Québec.  Mon premier livre agricole éducationnel La Culture Écologique des Plantes Légumières m’ouvrit les yeux sur le jardinage biologique proprement dit, en apprenant qu’il y avait des techniques pour y parvenir et réussir, qu’on ne faisait pas seulement « laisser la nature suivre son cours », qu’elle avait besoin d’un peu d’aide, d’un peu de direction, mais surtout de compréhension du cycle.  Suivi ensuite Le Jardin Écologique pour en connaître plus sur cette philosophie de vie.

Livre: La Culture Écologique des Plantes Légumières - Yves Gagnon
Livre: La Culture Écologique des Plantes Légumières – Yves Gagnon

 

Livre: Le Jardin Écologique - Yves Gagnon
Livre: Le Jardin Écologique – Yves Gagnon

Évolution de l’apprentissage et des méthodes

Nous avons rencontré Jean-Martin Fortier et sa conjointe Maude-Hélène Desroches à leur ferme biologique Les Jardins de la Grelinette à St-Armand il y a de ça plusieurs années suite à une conférence où nous avons pris connaissance de ce nouveau mode d’agriculture biologique évolué.

Nous avons acheté sur place leur livre Le Jardinier-Maraîcher, tout frais sorti de l’impression cette même année.  J’ai lu ce livre d’un bout à l’autre!  Nous avons appliqué plusieurs de ces principes.  Ça nous a permis de mieux organiser nos jardins, nos méthodes et notre façon de penser, mais surtout de réaliser qu’on est pas seuls à penser autrement!  Une chose est certaine, on fait de notre possible avec les ressources que nous avons pour garder notre terre organique écologique en santé.  Mais le travail et l’apprentissage ne sont jamais terminés, c’est une éducation continuelle puisque chaque saison est différente.  On ne s’ennuie jamais quand on est agriculteur, il y a toujours quelque chose de nouveau à apprendre, une nouvelle technique à essayer (et de l’équipement à réparer!) 

Livre: Le Jardinier Maraîcher - Jean-Martin Fortier
Livre: Le Jardinier Maraîcher – Jean-Martin Fortier

 

Book: The Market Gardener - Jean-Martin Fortier
Book: The Market Gardener – Jean-Martin Fortier

Sur une production de seulement un hectare (la grandeur d’un terrain de football), les Jardins de la Grelinette réussissent à nourrir 200 familles en légumes pendant toute la saison.  Il n’y a pas de perte, il n’y a pas d’abus, il n’y a pas d’intermédiaire qui gaspille les produits, les resssources et l’argent des consommateurs.

La révolution agricole artisanale

Après la révolution agricole industrielle, la révolution agricole artisanale prend enfin son envol.  Grâce à des pionniers, mais grâce aussi à des jeunes qui sortent de l’univeristé, tels Jean-Martin et Maude-Hélène (et Dan Brisebois de la Ferme Tourne-Sol) qui sont allé voir ce qui se faisait ailleurs en travaillant avec d’autres visionnaires, notamment au Nouveau-Mexique.  Une très grande influence pour les deux jeunes agriculteurs était Eliot Coleman (Harborside, Maine), auteur de The New Organic Grower (outils et techniques de maraîcher), Winter Harvest Handbook , Des Légumes en Hiver et  de plusieurs autres ouvrages, qui leur a ouvert l’appétit sur ce mode de vie et d’agriculture repensée, celui qui a tracé la voie pour l’élaboration des techniques et des outils dont Jean-Martin nous fait part si ouvertement dans son livre Le Jardinier-Maraîcher.

Livre: Des Légumes en Hiver - Elliot Coleman            The New Organic GrowerIl nous apprend qu’il est possible de démarrer son entreprise agricole « from scratch » et qu’il est possible de bien en vivre.  Les microfermes sur des petits lopins de terre ont souvent moins de 5 hectares.  Des petits producteurs maraîchers qui produisent une mulititude de légumes de façon intensive mais tout en créant de la vie dans le sol.  Peu ou pas de machinerie, fait à la main, pesticides chimiques interdits.  Ce qui prime, c’est que la terre qui nous nourrit puisse continuer à le faire à  perpetuité et la seule façon d’y arriver, c’est en respectant la vie du sol et ses micro-organismes, en lui offrant ce dont elle a besoin pour se nourrir pour nous en nourrir par la suite.  Un respect mutuel.

Au Canada nous avons aussi la chance d’avoir un autre bon allié pour le maraîchage sur petite surface,  le bon ami de Jean-Martin, Curtis Stone de Green City Acres, et auteur-conférencier du livre The Urban Farmer qui fait quelque chose d’absolument spécial, étant producteur agricole en milieu urbain, i.e. dans la cour arrière de sa maison, de celle de son voisin et de plusieurs autres cours arrières de sa ville de Kelowna en Colombie-Britannique.  Il visite le Québec à chaque année et y donne des conférences en anglais.  Si vous voulez voir comment ça se passe jour après jour dans cette entreprise révolutionnaire, il nous offre la chance de visionner quotidiennement un video de 10 minutes sur toutes sortes d’activités qui se passent lors de ses journées bien remplies.

Conclusion

Nous avons de la chance d’avoir des gens passionnés, si généreux de leur savoir pour nous aider à démarrer du bon pied et à changer la vieille mentalité de l’agriculture.  Plus nous sommes de maraîchers sur petite surface, plus notre voix se fera entendre pour trouver des solutions plus durables pour notre environnement et plus l’agriculture redeviendra accessible pour la relève.

Pour plus d’information sur l’agriculture biologique ou pour vous inscrire à une ASC (Argriculture Soutenue par la Communauté), visitez le site de Equiterre.

Si vous êtes producteur maraîcher, je vous invite à soutenir les efforts de l’Union Paysanne, celle qui défend vraiment nos intérêts de microfermiers biologiques.

Nous faisons donc parti de ce petit groupe: une microferme avec une microproduction de plusieurs variétés d’ail de semence – fini le temps d’en être presque gêné et mis de côté, le temps où seules les mégafermes reignent sur notre monde agricole!  Enfin nous pouvons respirer, sans se sentir dénigré que nous « ne produisons pas assez ».  Nous produisons ce que nous sommes capables de produire et nous devons en être fiers.

Un bon terrain produit beaucoup : on doit tenir plutôt à la qualité qu’à la quantité, dans les productions d’esprit surtout.
Citation de Pierre-Jules Stahl ; Les pensées et réflexions diverses (1841)

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2 réflexions au sujet de “La Microferme: Nouvelle Révolution Agricole

  1. Son nouveau terrain de jeux est six fois plus grand qu’il l’est aux Jardins de la Grelinette, une microferme biologique fondee en 2005 avec sa conjointe, Maude-Helene Desroches, a Saint-Armand. Ils y ont cree un modele en permaculture sur petite surface, capable de generer des ventes annuelles de plus de 150 000$. Il a donne tous ses trucs dans l’ouvrage

    1. Effectivement, le nouveau terrain de jeu de Jean-Martin à La Ferme des Quatre-Temps avec M. Desmarais est d’une toute autre dimension, en conservant quand même l’objectif principal qui est de créer une relève agricole en maraîchage biologique sur petite surface. Et ce, tout en gardant le cap sur Les Jardins de la Grelinette, dont Maude-Hélène tiens le fort. Et oui, tous les trucs sont dans le livre Le Jardinier-Maraîcher, dont nous appliquons une grande majorité des principes sur notre fermette!

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